Le taux d’épargne des ménages constitue un élément de convoitise de nos états surendettés. Pas un seul jour ne passe sans qu’un politicien ou un journaliste n’aborde ce sujet sensible de la « manne » de l’épargne privée des concitoyens pour faire face à l’endettement des états. D’aucun l’auront remarqué, ces épargnes accumulées par les concitoyens que nous sommes représentent des sommes qui, pour beaucoup de politiciens, pourraient résoudre une partie du problème de nos dettes abyssales.
Des exemples contrastés :
Prenons les exemples parmi les pays que nous connaissons bien d’un point de vue macro-économique : les Etats-Unis d’Amérique et la France. Ces deux exemples représentent des situations bien différentes et contrastées.
En France, le taux d’épargne des ménages représentait 16.9% selon l’Insee. Ce taux d’épargne mesure la part du revenu disponible brut qui n’est pas utilisée par les ménages en dépense de consommation finale.
Aux USA, selon le US Bureau of Economic Analysis, le taux d’épargne se trouverait à 4.6% en septembre 2024.
Qu’est-ce que ce taux d’épargne indique ?
Tout d’abord, en première lecture, il indique le degré de confiance qu’ont les ménages dans leur avenir. Il reflète la perception qu’ont les consommateurs de leur situation financière future et de l’état général de l’économie. Plus nous sommes inquiets à propos de notre avenir, plus nous allons accumuler de l’épargne pour faire face aux problèmes qui pourraient survenir. Ce taux varie également en fonction de contextes économiques et politiques pouvant venir perturber cette tendance. La crise du Covid et la gestion financière liée aux confinements ont fait passer ce taux en France au-dessus de 20%, soit un niveau qui n’avait plus été rencontré depuis la fin des années 1970 en réponse, à l’époque, aux inquiétudes liées aux chocs pétroliers. Cependant, le taux de 16.9% rencontré au cours e l’année 2023 demeure un taux élevé, bien au-dessus des lectures des années précédentes qui se situaient autour de 13% à 14% depuis la fin des années 1980 ; 11.2% en 1987 et en 1988 restent les niveaux les plus bas.
En cas d’amélioration de la confiance des ménages, ce taux d’épargne constitue une formidable réserve de consommation qui pourrait alors alimenter une croissance future. Cette belle théorie nous oblige à partir du principe qu’une confiance se rétablie rapidement. Dans les faits, nous nous apercevons que cette confiance est bien plus rapide à détériorer qu’à construire.
Au regard des deux exemples cités, la confiance des consommateurs Américains reste beaucoup plus robuste que celle des Français, en lien avec la croissance de ces deux zones au cours des dernières années, du niveau du chômage et des impôts.
Quels impacts pour l’économie ?
Bien évidemment, plus la confiance des ménages est élevée, plus les consommateurs se sentent optimistes quant à l’avenir économique et à leur situation financière personnelle. Cela les incite à épargner moins et dépenser davantage, notamment dans des biens durables (voitures, électroménager) et non durables (alimentation, vêtements). Dans le cas contraire, les dépenses superflues sont les premières sacrifiées.
La croissance de nos économies s’en retrouve dès lors affectée puisque la consommation des ménages représente une part significative de notre PIB tout en stimulant l’activité économique. Selon la théorie keynésienne, si trop de ménages augmentent leur épargne simultanément, nous pouvons alors rencontrer une réduction globale de la demande, ralentissant l’économie. Ce phénomène, appelé “paradoxe de l’épargne”, peut entrainer un ralentissement économique allant, en cas extrême, jusqu’à faire basculer une zone économique en récession.
Cependant, un taux d’épargne faible pourrait alors présager d’une faible consommation future. Or, nous l’observons aux USA actuellement, malgré un taux historiquement bas, la consommation des ménages persiste.
Cette robustesse de la consommation provient du fait que la hausse moyenne des salaires est désormais plus élevée que la hausse des prix. Cette situation créé un effet richesse qui stimule la confiance des consommateurs. En cas de pic de l’inflation comme en 2022, ce phénomène s’arrête très vite.
Un taux d’épargne élevé peut également avoir des effets positifs à moyen et long terme. L’épargne des ménages alimente les fonds disponibles dans les banques et autres institutions financières, qui peuvent ensuite prêter cet argent pour financer des investissements des entreprises ou des projets d’infrastructure. Ces investissements sont cruciaux pour stimuler la croissance à long terme, améliorer la productivité et favoriser l’innovation. L’épargne peut ainsi être dirigée vers les marchés financiers, les actions, les obligations, ou encore l’immobilier. Cela peut jouer un rôle dans le développement des marchés de capitaux et soutenir des secteurs clés de l’économie. Encore faut-il que les rouages entre l’épargne et le déploiement vers l’investissement se fasse sans trop de contraintes administratives et réglementaires, ce qui est malheureusement loin d’être le cas en Europe.
Un taux d’épargne élevé constitue tout de même un effet stabilisateur lorsque l’économie rencontre une période de crise, car les ménages continuent d’avoir les moyens de consommer à un certain niveau, limitant les effets d’une contraction économique.
De même, ce taux élevé de l’épargne pourra contribuer à une réduction de l’endettement des ménages. Moins d’endettement signifie moins de risque systémique dans le secteur financier, ce qui peut réduire l’effet des crises financières à long terme. Sans parler des orientations que ne manquera pas de donner la banque centrale en jouant sur les taux. La politique des taux négatifs de la Banque Centrale Européenne lors de ces dernières années à favoriser l’orientation de l’épargne vers la consommation ou l’investissement.