Droits de douanes américains… et après?

Sous la pression des marchés (obligataires, changes, et actions), les Etats-Unis annoncent une pause de 90 jours dans l’application des droits de douanes qu’ils veulent imposer au monde. La défiance est aussi venue du parti Républicain et de ses électeurs, effrayés par la hausse des prix qui s’annonce. Ils se rendent compte que leur pays ne pourra (re)créer un appareil de production industriel assez vite pour combler la surtaxe des produits importés. Il faudra des années pour construire des lignes de production, former des techniciens, créer les circuits d’approvisionnement… et dans l’intervalle, c’est le consommateur qui paiera la différence, et les marges des entreprises. La fronde vient également de l’équipe de Trump, où des voix dissonantes remettent en question la stratégie du chaos (« reset » suivant les termes officiels) qui appauvrira la classe moyenne américaine qui a voté pour lui. Rappelons que si l’inflation américaine s’est dégonflée depuis ses pics de 2022, elle est encore trop élevée, et les droits de douane risquent d’aggraver une situation qui est loin d’être sous contrôle. Cette cacophonie sème le trouble au niveau des investissements et de la consommation américaine : les deux moteurs de la croissance. En conséquence, pour 2025, le FMI a baissé les anticipations pour la croissance américaine de 2.7% à 1.8%.

Donald Trump espère faire plier l’ensemble des pays importateurs pour que la 1ère économie mondiale ne perde pas son leadership au profit de la Chine. Mais il est bien conscient que le problème majeur des USA est son énorme dette de 12 300 milliards de dollars. Plus un pays est endetté, plus sa souveraineté est remise en question, et transférée chez son débiteur.

Donc, dans la phase de négociation, en contrepartie d’une réduction des droits de douane, Trump espère obliger ses « partenaires » économiques à acheter son pétrole, son gaz, ses armes et surtout sa dette (à long terme). Il compte aussi relancer le « Made in America », en espérant contraindre les industriels étrangers à produire davantage sur le sol américain et à investir massivement dans des chaines de production flambant neuves. En cas de succès, il ferait coup double : des dépenses d’investissements colossales assorties de créations d’emplois. Cerise sur le gâteau, cela permettrait aussi d’augmenter l’indépendance de l’économie américaine toujours très imbriquée dans la globalisation et diminuer son déficit commercial. Néanmoins, pour cela, il faudrait que l’économie américaine prouve sa capacité à fournir la main d’œuvre, les compétences et les infrastructures nécessaires à la relocalisation de ces industries. A titre d’exemple, si Apple devait fabriquer ses téléphones aux Etats-Unis, on estime la main d’œuvre nécessaire entre 200 000 et 300 000 personnes !

Donald Trump cherche aussi à réduire les réglementations tant aux Etats-Unis qu’en dehors de son pays. Selon lui, elles limitent globalement l’action des sociétés américaines et par conséquent leurs profits. A titre d’exemple, les sociétés technologiques se plaignent d’une régulation européenne beaucoup trop stricte, quand il ne s’agit pas d’une interdiction pure et simple de s’implanter en Chine.

Selon les dires de son président, avant la création d’une nouvelle ère, la suprématie américaine passera par une phase « temporaire » de chaos. Mais ce n’est pas sans conséquences et le risque d’une dislocation du système financier américain, et donc mondial, est devenu très élevé, ce qui se traduit par une remontée des taux et une baisse du dollar.

Mais toute médaille a son revers ! En quelques semaines, Donal Trump a réussi l’exploit de détruire la confiance que les Etats-Unis ont mis des décennies à bâtir avec leurs partenaires commerciaux. Le « soft power » américain s’effondre face à la défiance d’un monde qui supporte mal l’agressivité d’une équipe empreinte d’amateurisme.

Il en résulte une crise des marchés financiers avec un dollar qui s’est déprécié très rapidement de 10% face aux devises majeures. De même, les taux d’emprunt américains sont remontés en flèche sur fond de perte de confiance des investisseurs étrangers : le bon du trésor à 10 ans est passé de 3.9% à 4.5% en une journée. Le déficit de la première économie mondiale devient plus cher à financer et il ne faudrait pas que les taux montent davantage, sous peine de rendre les déficits insoutenables. La situation budgétaire américaine est fragile depuis des décennies mais la nouveauté, c’est que la crise de confiance est provoquée par la maison blanche elle-même et non pas par des forces extérieures !

Contre un « ennemi » commun, les différentes zones économiques du globe ne manqueront pas de se rapprocher. Les Etats-Unis restent indispensables dans les rapports commerciaux et diplomatiques mondiaux. Mais la défiance que les Européens peuvent avoir envers la Chine semblera plus acceptable après les attaques en règle qu’ils subissent depuis ce début d’année. Les pays en voie de développement se rapprochent déjà de la Chine, à l’image de la récente tournée de Xi Jinping en Asie.

Cependant, après avoir été le vassal des USA, et d’en payer le prix fort aujourd’hui, il ne faudrait pas que l’Europe devienne celui de la Chine, de sa technologie et de son industrie.

Un vrai plan stratégique Européen est nécessaire, et pas seulement au niveau de la défense. Un des grands défit de l’Europe réside dans son incapacité à investir dans sa propre économie. Rien qu’au niveau technologique on se rend compte du retard gigantesque accusé vis-à-vis des Etats-Unis, de la Chine et du Japon. Pourtant nous avons une population instruite capable d’innover, mais c’est l’investissement qui manque pour financer des sociétés et des salaires en ligne avec les standards étrangers. Sans tomber dans les extrêmes du DOGE d’Elon Musk, une forte simplification administrative est aussi nécessaire pour libérer les entreprises. Enfin, l’accès à l’énergie et aux matières premières reste un défi monumental pour l’Europe, difficile à relever à ce stade mais toujours primordial.

Privalux Management – 2025 – Catch THEMES ©