Une intelligence artificielle au futur bien réel

Nous avons souvent, dans nos éditos, évoqué le thème de l’IA, y abordant quelques aspects impactant nos vies, nos entreprises…, encore le mois dernier. Il devient, en effet, difficile aujourd’hui de nous affranchir du concept d’Intelligence Artificielle, tant son impact révolutionne déjà notre monde actuel, souvent à notre insu.  Lorsque nous projetons ces outils vers le monde de demain, le vertige nous gagne tant ses possibilités sont nombreuses qui, prenant le relais de nos gestes, sinon de nos choix au quotidien, interrogent la place laissée à l’Homme dans une société pilotée par des algorithmes capables de compiler des milliards de données en une fraction de seconde. Quel choix est laissé, quel rôle reste encore assigné à un être humain dans une société conduite par des systèmes artificiels dotés de fonctions d’apprentissage capables de nourrir une connaissance rationnelle, l’intelligence ?

L’Intelligence Artificielle : Vers le Meilleur des mondes

La puissance exponentielle de calcul et la capacité d’apprentissage de l’IA impose sa rationalité indifférente et méthodique à des services techniques et sociaux plus en plus complexes. Elle envahit ainsi les cercles les plus éloignés de nos relations sociales et la vitesse de sa propagation appelle la question existentielle de l’avenir de l’être humain dans un monde de machines. Est-ce une menace pour l’Humanité ? L’IA représente-t-elle l’aliénation des libertés, voire un risque d’asservissement de l’humain, pire : une menace d’extinction de l’espèce ? La réalité dépassera-t-elle les dystopies les plus terrifiantes ? Les conséquences de l’IA sur nos vies quotidiennes restent grandement inconnues. Comme dans toute situation inconnue, l’Homme, par nature et par instinct de survie, anticipe le danger plutôt que pense l’opportunité. L’IA, et son concept d’Intelligence Artificielle générative (qui s’auto-alimente) oblige à réfléchir aux fonctions vitales de l’Homme dans la société.

L’IA est dotée d’une puissance de calcul colossale, associée à des vitesses d’adaptation qu’aucun être humain ne peut désormais défier. Ces calculs et les manières de les apprendre, les choix que les machines ont été éduquées à réaliser, ont cependant été conçus par des individus selon des critères de sélection et des modèles de rationalité qui traduisent l’idéologie de leurs créateurs. Les sociétés qui détiennent ces technologies y incluront aussi leurs propres principes de gouvernance et leur système de valeurs. La responsabilité de façonner ainsi la Société au sein de laboratoires ou de conseils d’administration reste énorme.

La puissance de l’IA dépend de la gestion des data, même si l’enjeu du contrôle des données sensibles est bien compris de tous les acteurs du monde de l’IA. Les concepts de gestion de ces données restent bien le facteur-clé. La compétition induite par cette révolution pointe la question fondamentale de l’avancée, ou du retard, qu’une communauté ne manquera pas de marquer dans la maîtrise des paradigmes de gestion, et pas simplement celle du contrôle de ces données sensibles. Les états possèdent désormais les capacités techniques de concentrer les flux d’information des citoyens, mais aussi la capacité cognitive d’analyser toutes ces données ainsi que leurs comportements. Les entreprises même participent à ces questionnements. Certaines entités connaitront l’être humain mieux que nos proches, et pourront communiquer avec nous au même niveau qu’un humain, elles pourront anticiper nos réactions par des modèles de prédiction déjà efficaces. Dans quel sens serons-nous ainsi influencés ? Comment sera écrit ce meilleur des mondes ?

Cette menace d’ordre existentielle va jusqu’à être reprise (dénonciation ou simple tactique de « retardataires » de l’IA ?) par les plus grandes sommités du monde de la technologie dans une requête réclamant un moratoire de 6 mois. Amplifiée par la puissance de cette révolution qui inquiète, Elon Musk, Steve Wozniak, Evan Sharp ou Jann Tallinn encore, appellent à une régulation des domaines d’application – mais sûrement selon leurs règles propres, n’en doutons -pas.

Il est, de fait, très difficile de réguler, ou règlementer, une technologie en constante évolution. Nous ignorons assez largement les conséquences de ces avancées, ses créateurs y compris, qui cernent très mal les implications qu’auront ces IA sur nos sociétés civiles tant le potentiel de ses applications est immense tant son pouvoir sur nos vies est vertigineux. L’adaptation de nos systèmes démocratiques reste balbutiante face à une technologie à l’évolution fulgurante : quand les éléments changent si rapidement, anticiper l’avenir devient inimaginable.

L’IA est bien une révolution. Beaucoup la compare à l’invention de la roue, ou de la machine à vapeur, de la révolution industrielle ou encore de la création d’internet. Nous soupçonnons l’IA d’être bien plus vaste que tout cela réuni. L’émergence de l’IA dans un monde numérique ressemble plus à la création d’une nouvelle espèce dotée d’une intelligence développée : une entité parfaitement adaptée à son environnement. Deux espèces directrices devront donc cohabiter désormais, alors que l’être humain était la seule depuis les dernières dizaines de milliers d’années. Le système acceptera-t-il une telle cohabitation sans qu’un des prédateurs ne neutralise l’autre ? La machine, dotée désormais d’une intelligence, raisonne beaucoup plus vite que l’intelligence humaine, et surtout elle ne commet pas d’erreur, ou si elle en fait, elle apprend très vite à les corriger pour ne plus les reproduire. L’ensemble des Intelligence Artificielle dépassera très prochainement l’ensemble des données cognitives humaines : certains spécialistes parlent de 2030 comme date d’inflexion. A cette aune, notre survie de prédateur semble compromise.

La question de la malveillance reste, de surcroît, primordiale. Que se passe-t-il si un état, ou une organisation criminelle, contrôle des modèles d’IA à des fins malveillantes ? Certains utiliseront des modèles dits « open source » donnant ainsi accès à tout acteur désireux d’améliorer sa productivité et cela, à priori, sans discrimination d’utilisation.

Plus prosaïquement, l’IA questionne la pérennité de nos métiers.  C’est aujourd’hui probablement l’aspect qui inquiète d’abord la majorité des citoyens. La plupart de nos emplois (même les plus qualifiés !) subiront de profondes mutations, ou disparaitront purement et simplement. Ceux liés aux saisies de données administratives, ceux liés à la logistique, à la recherche, à la santé, à la mobilité ou encore à la manufacture de biens, en fait : tous les secteurs sociaux et économiques – probablement artistiques aussi – connaitront des transformations modifiant profondément l’environnement des travailleurs, impliquant des reconversions périodiques chaque fois plus difficiles, marginalisant les uns après les autres dans une course sans issue à la productivité.

Un retard déjà énorme

Dans ce créneau de l’Intelligence Artificielle, une fois de plus l’Union Européenne est à la traine des Etats-Unis et de la Chine. En cause, le retard déjà pris sur les nouvelles technologies mais également la difficulté qu’ont les pays d’Europe à mobiliser des financements adaptés à ces projets qui impliquent des « Capex » colossaux. Les chercheurs européens, ou les start-ups capables de tenir la compétition, partent facilement aux Etats-Unis où l’accès au capital est bien plus facile. Ces financements constituent la première matière pour créer un système d’IA capable de rivaliser avec les concurrents. L’UE pourra-t-elle jouer en équipe au-delà de ses préoccupations nationales ?

D’autre part, la puissance informatique – puissance de calcul et rapidité d’exécution – constitue le point clef de l’Intelligence Artificielle générative : il constitue sa capacité de performance.

Malheureusement, le retard dans cette course effrénée s’accentue au fur et à mesure que les concurrents innovent. Les pays qui ratent cette avancée n’auront certainement pas de deuxième chance. Ici aussi, l’Europe manque cruellement de capacités de financement par rapport à ses concurrents, lesquels mobilisent, qui par le secteur privé (USA et Chine), qui par le secteur public (Chine), ses ressources spécifiques.

L’Union Européenne lutte pour son indépendance dans cette course effrénée. La seule réponse apportée par elle – pour l’instant, on l’espère – s’oriente vers la règlementation : chacun sa spécialité. Les européens, au demeurant, semblent dotés de l’éthiques la plus robuste pour concevoir des solutions qui protègent l’humain face au pouvoir privé ou face au pouvoir collectiviste. Bien sûr, la question se pose quant à cette règlementation qui doit permettre de protéger l’être humain sans entraver la compétition qu’essayent de suivre nos entreprises déjà handicapées par le manque de financement et d’outils technologiques. Mais, sans indépendance, ou de contrôle réel de nos outils, il demeure difficile, voire impossible, d’imposer une législation à des acteurs qui participeront au développement de leurs zones respectives alors que la nôtre creusera son retard.

L’Intelligence Artificielle : Thème d’espoir également

Cependant, l’IA représente aussi, d’abord, une formidable source de progrès techniques.

L’automatisation des tâches fastidieuses permettra aux êtres humains de se consacrer aux tâches à plus forte valeur ajoutée en délaissant celles les plus rébarbatives.

De même les erreurs administratives que chaque citoyen subit dans son quotidien, de la part de sociétés commerciales ou de l’administration de l’Etat, diminueront au gré de transformations améliorant la qualité des services dont nous dépendons. Les risques d’erreur ou de mauvais diagnostic se marginaliseront ainsi peu à peu. La précision extrême des systèmes supplantera largement celle des humains tout en augmentant la flexibilité. L’analyse des comportements permettra des expériences et des recommandations plus personnalisées et efficientes.

La recherche scientifique et la santé tout particulièrement reste un des thèmes dans lequel l’IA générative permettra les plus grandes avancées, donnant ainsi des capacités de recherche et de tests jamais rencontrées dans l’histoire grâce aux modélisations et aux prédictions de résultats.

La sécurité devrait s’en trouver également améliorée. Peut-être avec l’amélioration de la prévention de la criminalité ? Plus sûrement via les modélisations des catastrophes naturelles, la compréhension de notre environnement écologique, la conquête de l’espace ou encore la surveillance de nos infrastructures. De très nombreux secteurs bénéficieront de cet outil, au prix, certes, d’une augmentation de la surveillance qu’il faudra donc savoir encadrer.

L’apprentissage pourra aussi se démocratiser davantage avec des adaptations bien plus efficaces que celles que nous connaissons. De même, tous les processus de transformations seront optimisés permettant de réduire les coûts, de rationaliser les processus de production ou encore de diminuer le gaspillage. En bref, nous pourrons faire plus mais avec moins de temps, moins de consommation d’énergie ou de matières premières. L’IA apportera, sans nul doute, une contribution déterminante aux enjeux écologiques qui nous menacent.

De manière générale, la compilation de data, permettra au fur et à mesure d’augmenter la réactivité de nos sociétés pour apporter une plus grande adaptation à tout ce qui nous entoure.

Certes, certains métiers disparaitront, mais d’autres apparaitront. Ils seront bien évidemment plus en lien avec les secteurs technologiques. L’apprentissage vers ces métiers devient alors primordial pour rester compétitif.

Mais également, parions que les secteurs liés à l’humain sauront tirer leur épingle du jeu. Rappelons que les progrès techniques réalisés lors des dernières décennies ont permis l’essor de nombreux métiers, par exemple ceux liés internet ou à l’événementiel. Le nombre de personnes vivant directement et indirectement des loisirs et du sport dans le monde a explosé depuis les années 1980. Comme toute révolution majeure, des métiers disparaitront, d’autres se créeront avec des laisser pour comptes et des gagnants. La rapidité de la transformation de nos vies quotidiennes, très difficile à prédire pour le moment, fera d’autant plus de dégâts si nos sociétés sont mal préparées à ces transformations.

 

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